La peau : frontière et contact

La peau : frontière et contact

La peau est la limite. Elle marque où je finis et où commence le monde. Mais elle est aussi le premier lieu du contact, du toucher, de la relation. Elle sent avant que nous pensions, elle réagit avant que nous décidions.

En psychologie jungienne, la peau correspond à la persona, ce masque social que nous portons, cette image que nous donnons à voir. La persona n'est pas fausse : elle est nécessaire. C'est la surface adaptative qui nous permet de vivre parmi les autres sans tout révéler. Mais quand elle devient rigide, elle enferme. On ne sait plus qui on est derrière le masque.

Didier Anzieu, psychanalyste français, a développé le concept de Moi-peau : l'idée que notre identité se construit d'abord comme une enveloppe sensorielle. Avant de penser « je », le bébé sent sa peau, sent qu'il est contenu, tenu. C'est le toucher qui fonde le sentiment d'exister. Anzieu écrit :

« Le Moi-peau désigne une figuration dont le Moi de l'enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps. »

Une peau sensible, réactive, perméable peut signaler une porosité excessive aux émotions des autres, une difficulté à maintenir des limites. La personne se sent envahie, débordée par ce qui vient de l'extérieur. Comme si la frontière n'était pas assez épaisse.

Une peau rigide, insensible, coupée du toucher peut indiquer un retrait, une protection contre l'intrusion. La cuirasse est là, mais elle prive aussi de la relation. On ne sent plus rien, ni l'agression, ni la caresse.

Le travail somatique avec la peau commence par le simple fait de sentir sa surface. Sentir la température de l'air sur la peau. Sentir les vêtements. Sentir où commence et où finit le corps. Ce n'est pas anodin : beaucoup de personnes ont perdu cette sensation de limite, comme si elles flottaient sans contour.