Le fascia, tissu du lien et de la mémoire : "le rêve du corps"

Un tissu du corps mérite une attention particulière : le fascia.

Longtemps ignoré par l'anatomie classique, le fascia est cette toile conjonctive qui enveloppe tout : muscles, organes, os. Il relie le corps entier, du crâne aux orteils, une véritable écologie du lien.

Les recherches d'Hélène Langevin ont montré que le fascia est un organe sensoriel à part entière, riche en récepteurs. Il se contracte, réagit au stress, s'adapte aux émotions. Robert Schleip a révélé sa capacité à maintenir des tensions sur le long terme à mémoriser les postures et les chocs. Le fascia garde. Il porte la trace des gestes répétés, des accidents, des émotions figées.

Dans une lecture jungienne, le fascia devient tissu de l'inconscient corporel. Il relie ce que la pensée sépare. Il garde la trace de ce qui n'a pas été digéré, de ce qui est resté suspendu dans le geste ou la parole. Il est le support de la mémoire implicite du corps celle qui ne passe pas par le langage, celle qui se vit sans se dire.

Thomas Myers, avec ses Anatomy Trains, a montré comment les tensions circulent à travers ces chaînes myofasciales : une douleur au pied peut résonner jusqu'à la nuque, un blocage au bassin entraver la respiration. Tout est interconnecté. Le corps ne fonctionne pas par parties séparées, mais par continuités vivantes.

Alexander Lowen écrivait :

« Toutes les tensions musculaires chroniques contiennent l'histoire et la signification de leur origine. »

On pourrait ajouter : c'est le fascia qui garde cette histoire. C'est lui qui rêve le corps.

Travailler le fascia, c'est donc entrer dans la zone symbolique du vivant, là où les tensions deviennent images, où les gestes deviennent récits, où la matière devient mémoire. C'est entrer dans cette zone entre le conscient et l'inconscient, là où le symbole prend chair.